Immense concertiste de la seconde moitié du XXe siècle, Bernard Ringeissen laisse un vaste héritage discographique. Retour à l’occasion de sa disparition sur une vie marquée par de nombreux prix.
Né en mai 1934 à Paris, Bernard Ringeissen débute le piano à sept ans avec Georges de Lausnay. Il intègre le prestigieux Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris au sortir de la guerre en 1947. Quatre ans plus tard, il remporte le premier prix de piano, prix rapidement complété par une autre récompense en musique de chambre. Se perfectionnant auprès de Marguerite Long – et plus tard Jacques Février – le désormais professionnel débute une tournée européenne.
En 1953, sur les conseils de ses professeurs, il interrompt ses récitals pour se préparer à des concours internationaux, à l’image des prix Aldo Ciccolini (remporté à Naples l’année suivante) et de l’incontournable Concours international Chopin de Varsovie. Au programme devant l’orchestre philharmonique de Varsovie, le concertiste s’empare en mars 1955 du concerto pour piano en fa mineur Op 21. Un rare enregistrement du troisième mouvement a survécu. Ci-dessus les presque neuf minutes captées en direct agrémentées d’archives inédites.

Bernard Ringeissen part alors pour une tournée sur le continent américain. Tournée de six mois. Il donne plus d’une centaine de concerts au Canada, au Mexique et au Brésil. Son vaste répertoire lui permet de jouer les grands noms du clavier Mozart, Beethoven, Brahms mais aussi de faire connaître des œuvres contemporaines comme celles de Milhaud, Prokofiev ou Villa-Lobos. A ce propos, cette seconde période est à nouveau saluée par une salve de prix ; en 1962, son interprétation de la musique brésilienne lui concède le 1er prix du Concours Villa-Lobos à Rio de Janeiro, concours initié et organisé par Alexander Sienkiewicz, un élève de Paderewski. En 1989, le reconnu concertiste se rend en Allemagne pour intérpéter Schumann. Ici aussi, il reçoit le prix Schumann des mains du maire de Zwickau.

Son jeu se décline également en 56 disques puisqu’il grave l’intégrale Saint-Saëns et Stravinsky aux côtés de quelques compositeurs polonais chers à son cœur ; Jozef Wieniawski ou Balakirev. Ses projets toujours plus ambitieux l’emmènent à la rencontre de Charles-Valentin Alkan, certainement le virtuose réputé le plus « injouable » par les pianistes. Elève de Liszt et de Chopin, ces œuvres grandiloquentes (mineures ou majeures) font entendre toute l’étendue du clavier dans des mouvements effrénés alternant une subtile palette de nuances.
Enseignant au Conservatoire de Ruel-Malmaison, Bernard Ringeissen a eu comme élève Fani Kosona. La compositrice fait part ce matin par l’intermédiaire de son compte Facebook de sa tristesse en évoquant ses souvenirs : « Il était un homme inspiré, d’une grande gentillesse et d’une finesse distinguée. Parmi mes souvenirs de lui les plus vivants, [reste] une phrase qu’il m’avait dit[e] pendant un de nos cours : « Il faut imposer sa vérité comme une évidence » ».
Ses nombreuses master-classes au Mozarteum de Salzbourg et à l’Académie internationale d’été de Weimar permettent encore aux professionnels de jouer tantôt Scriabine, Moussorgsky ou Debussy.
Victor-Emmanuel HUSS