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L’enfant, nouvelle marchandise d’un monde qui dévore tout

La conférencière Delphine Crubézy et le musicien Jean Lucas ont questionné, non sans humour, la place de l'enfant dans notre société à l'occasion d'une représentation intitulée “Modeste proposition”.

La conférencière Delphine Crubézy et le musicien Jean Lucas ont questionné, non sans humour, la place de l’enfant dans notre société à l’occasion d’une représentation intitulée “Modeste proposition”. L’événement a eu lieu à la Maison de la Musique d’Erstein, mardi 24 septembre, en collaboration avec les associations Actémo Théâtre et Canop’terre.

L’idée dérangeante de traiter l’enfant comme une marchandise, inspirée du pamphlet de Jonathan Swift, était le fil conducteur de la représentation portée par Delphine Crubézy et Grégoire Callies, mise en musique par Jean Lucas. En 1729, Swift proposait ironiquement de lutter contre la pauvreté en Irlande en suggérant de vendre les enfants comme nourriture, une satire destinée à dénoncer l’exploitation des classes populaires et l’indifférence des élites. Toujours d’actualité, cette réflexion est réinterprétée pour dénoncer la société de consommation et la marchandisation croissante de l’être humain.

Le bonheur dans notre société de consommation

La représentation interroge le consumérisme en posant la question « comment être heureux dans notre société ? » Nos sociétés actuelles, fondées sur la consommation et l’acquisition incessante de biens matériels, exacerbent le désir plutôt que les besoins réels. Comme le rappelle Delphine Crubézy, « l’Homme possède, conquiert et consomme. » Elle va plus loin en abordant également la question du rôle des femmes, ou des « génitrices », souvent réduites à ce simple statut dans des sociétés encore largement dominées par des structures sexistes.

Manger des enfants ?

La pièce propose une analogie grinçante : la population mondiale, qui s’élève à 8 milliards, croît chaque année de 134 millions d’enfants, avec une mortalité infantile de 3 millions. Sur les 130 millions restants, 32,5 millions d’enfants par an sont concernés par le projet. La satire repose sur l’idée que pour absorber ce surplus de population vulnérable, la solution serait de les consommer, une « modeste proposition » destinée à choquer et à faire réfléchir. L’enfant, devenu « un objet de consommation« , serait réservé à « ceux qui dévorent déjà les familles et nos économies« , soulignant ainsi la domination des puissants sur les plus faibles. « Le consommateur sait ce qui est bon pour lui », répète la directrice d’Actémo Théâtre, ironisant sur l’aveuglement collectif face aux conséquences de nos actes, tandis que l’humanité s’entre-dévore et que « le banquet a déjà commencé. »

Les musiques de Jean Lucas, jouées sur des synthétiseurs et des boîtes à rythmes, contrastent avec la gravité du texte en imitant l’ambiance d’une manifestation politique. Cette approche musicale décalée renforce le propos critique envers une société de surproduction et de surconsommation.

À l’issue de la représentation, une discussion animée a eu lieu entre Delphine Crubézy, Jean Lucas, Bernard Pierré (fondateur de Canop’terre), le philosophe Philippe Choulet et le public, prolongeant la réflexion sur la destruction progressive des ressources naturelles et les inégalités sociales. Prévu initialement à Canop’terre, lieu symbolique de la relation avec la nature, le spectacle a été délocalisé à la Maison de la Musique d’Erstein à cause des intempéries, sans pour autant perdre de son impact.

Michaël R.

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